« Kia ora ! Ko Saint-Éloi te māunga. Ko Scarpe te awa. Ko Tom tōku ingoa. » Tel est mon pepeha, et c’est en ces mots que je me présente à la classe lors du premier tutorial de mon cours sur le monde māori. Pour les tangata whenua (les indigènes, littéralement « les hommes habitant la terre »), le pepeha est une formule permettant de se définir en relation avec la géographie du territoire, ses ancêtres et son iwi (tribu). La géographie du Pas-de-Calais n’étant pas la plus remarquable qu’il soit, je dois composer avec ce que j’ai : « La montagne est Saint-Éloi. La rivière est la Scarpe. Mon nom est Tom. »
Et oui, tandis que vous profitez pour la plupart des vacances d’été, c’est déjà la rentrée scolaire dans l’hémisphère sud. A vrai dire, je ne suis pas mécontent de reprendre les cours, après trois semaines à tourner en rond à Auckland (si ce n’est notre randonnée boueuse dans les Waitakere Ranges). D’autant qu’après deux ans de Scube à partager mon temps entre deux universités, mes quatorze heures hebdomadaires me semblent comme des vacances.

Outre mes deux cours d’informatique (obligatoires afin de valider ma licence à Paris 6), sur lesquels je ne m’étendrai pas pour ne pas ennuyer ceux d’entre vous qui ne seraient pas familiers avec les subtilités des systèmes d’exploitation et du langage assembleur, j’ai fait le choix de prendre des cours consacrés à la culture locale. Au lieu de cours, je devrais utiliser le terme de paper, utilisé par les étudiants kiwis : plutôt déroutant pour l’étudiant de Sciences Po que je suis, pour qui un paper désigne plutôt un devoir à rendre.
Le premier de ces deux cours, Te Ao Māori, est une initiation au monde māori et aux problématiques qui touchent la population indigène depuis l’arrivée des Européens. Focalisé sur le point de vue māori (le professeur est lui-même un tangata whenua), le cours est très critique par rapport au Traité de Waitangi de 1840 (transférant la souveraineté de la Nouvelle-Zélande à la Couronne Britannique), qu’il présente comme une trahison du Tiriti o Waitangi, le traité original en langue māorie. Les premiers cours étaient également l’occasion d’évoquer les tikanga, valeurs fondatrices de la société, et les kapa haka, les danses et chants traditionnels : mana, tapu, whanaungatanga, kaitiakitanga, rangatiratanga, māteatea, waiata-ā-ringa… autant de termes qu’il me faudra connaître afin de mieux saisir cette vision du monde qui échappe à mon entendement.

Afin de satisfaire ma cinéphilie, mais également d’en apprendre plus sur la culture de mon pays d’accueil, j’ai également choisi un cours consacré au cinéma néo-zélandais depuis le milieu des années 1980, période à laquelle la production cinématographique du pays explose. Au cours des prochaines semaines, j’étudierai donc une vingtaine de films, répartis en quatre séquences : le Quatrième Cinéma (ou cinéma māori), la représentation des colons européens, l’adolescence gothique, et enfin l’horreur comique, avec notamment le Braindead de Peter Jackson (qu’il me tarde de découvrir). Un cours intéressant mais exigeant, puisque chaque semaine il me faut regarder les deux films exigés, et en rédiger une courte analyse en réponse à une question donnée ; sans compter les divers assignments que je devrai rendre au cours du semestre.
Le week-end dernier, après une première semaine courte mais bien remplie, nous louons une voiture avec deux amies françaises pour nous rendre sur les magnifiques plages de sable noir situées à l’ouest d’Auckland, au-delà des Waitakere Ranges. Malgré quelques frayeurs sur la route (la conduite à gauche et la boîte de vitesse automatique ne s’apprivoisent pas si facilement !), nous arrivons sains et saufs sur place et découvrons des paysages à couper le souffle. La plage de Karekare (voir ci-dessous), est notamment célèbre pour avoir servi de décor au film La Leçon de Piano de Jane Campion, l’un des longs-métrages étudiés dans mon cours de cinéma (preuve que tout est lié !).

Au gré de mes cours, j’ai l’occasion d’explorer plus en profondeur le campus de l’université. Chaque bâtiment a sa propre personnalité, depuis le fonctionnalisme froid et moderne du Owen G. Glenn Building (siège de la Business School), jusqu’à l’architecture traditionnelle de la whare hui (maison commune) du département des études māories, en passant par le style art déco de la Clocktower.
Le Quad (voir image à la Une) est le centre névralgique du campus, avec ses nombreux restaurants, proposant tous un budgie meal à 6,50$ (ce qui est une bonne idée compte tenu du coût de la vie à Auckland, même si les repas complets du CROUS à 3,25€ manquent à mon estomac). Y sont également organisés de nombreux événements (démonstration de danse, patinoire, etc.), et à l’étage se trouvent les locaux des différentes associations étudiantes, notamment le Womenspace et le Queerspace. Malgré cette tolérance générale, j’ai été choqué de découvrir un matin des centaines de flyers anti-avortement déposés sur les tables de mon amphithéâtre. Il faut dire que l’association « pro-life » de l’Université a pignon sur rue, disposant d’un stand à la clubs expo et de locaux pour organiser ses conférences.

Pour ma part, les prochaines semaines risquent d’être (relativement) chargées, entre les entraînements de kayak et d’escrime, les premiers assignments (quatre d’ici le 22 août !), et ma découverte de ce pays formidable et de sa culture.
Pour en savoir plus sur moi et mon aventure néo-zélandaise, consultez la page A propos. Vous pouvez également me retrouver sur Twitter et Instagram, ainsi que sur GitHub où je partage mes projets personnels en informatique.
Une réflexion sur “Te Whare Wānanga”